Pas à pas

On s’imprègne d’un visage avec lenteur.
Peu à peu l’encre infuse la matière d’une existence qu’on effleure.
Les tons montent.
Le stylo bille avance sans bruit, glisse sur la glace.
Très vite le regard est là.

Il faut maintenir le sujet en éveil, le faire poser en fait, l’interroger, puis traduire et tisser doucement en noir et blanc ses réponses muettes.

 

La lenteur

Du temps, de la patience. Choisir son sujet, écarter des centaines de visages avant d’être happé soudain par un regard, une lumière, une émotion.
Visage d’hier, visage d’ailleurs, visage voisin. Un courant passe, une curiosité éveillée pour une histoire à jamais cachée.
Il faut maintenant travailler le support, l’enduire à la spatule, le poncer, puis l’enduire à nouveau, recommencer, autant de fois que nécessaire. L’étape est agréable. L’enduit très fin, blanchit progressivement le plateau, l’imperméabilise et le lisse. Une épure au crayon de bois suit, la plus fidèle possible, sans contraste aucun.
Les encres et la fascination pour les noirs profonds. Monter le contraste en douceur, lentement, dessiner 10 fois le sujet en fait, le recouvrir de milliers de petits traits cachés sous d’autres encore.

L’œil d’abord, presque toujours, parfois l’oreille ou le fond, c’est selon la pudeur du sujet. D’une ride à l’autre, d’une ombre à un reflet se tisse une histoire non partagée. Ne pas trembler, avancer en apnée, avec prudence.
C’est difficile de s’arrêter, parfois de poursuivre, tant que le portrait n’est pas achevé, le doute persiste.

Plusieurs semaines durant la bille roule sur le bois ou le picore d’infimes détails cherchant à traduire l’émotion passagère.